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Liloua1
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Bonjour, je suis en classe préparatoire et je dois résumé ce texte de Finkielkraut en 230mots. Pouvez vous m'aider ?


Voilà, au moins, qui est clair : fondée sur les mots, la culture au sens classique a le double inconvénient de vieillir les individus en les dotant d'une mémoire qui excède celle de leur propre biographie, et de les isoler, en les condamnant à dire « Je », c'est-à-dire à exister en tant que personnes distinctes.
Par la destruction du langage, la musique rock conjure cette double malédiction: les guitares abolissent la mémoire ; la chaleur fusionnelle remplace la conversation, cette mise en rapport des êtres séparés; extatiquement, le " je"
se dissout dans le Jeune.
Cette régression serait parfaitement inoffensive, si le Jeune n'était maintenant partout : il a suffit de deux décennies pour que la dissidence envahisse la norme, pour que l'autonomie se transforme en hégémonie et que le style de vie adolescent montre la voie à l'ensemble de la société. La mode est jeune; le cinéma et la publicité s'adressent prioritairement au public des quinze-vingt ans ; les mille radios libres chantent [...].
Et les jeunes sont d'autant moins enclins à transcender leur groupe d'âge leur bio-classe », (dirait Edgar Morin) que toutes les pratiques adultes entament, pour se mettre à leur portée, une cure de désintellectualisation : c'est vrai, on l'a vu, de l'Éducation, mais aussi de la Politique (qui voit les partis en compétition pour le pouvoir s'évertuer identiquement à moderniser » leur
look et leur message, tout en s'accusant mutuellement d'être vieux dans leur
tête), du Journalisme (l'animateur d'un magazine télévisé français d'information et de loisir ne eonfiait-il pas qu'il devait son succès aux moins de quinze ans entourés de leur mère et à leur attirance pour nos rubriques chanson,
pub, musique de l'Art et de la Littérature (dont certains chefs-d'œuvre sont déjà disponibles, en France du moins, sous la forme brève et artistique » du clip culturel), de la Morale (comme en témoignent les grands concerts humanitaires en mondovision) et de la Religion (si l'on en juge par les voyages de Jean-Paul II).
Pour justifier ce rajeunissement général et ce triomphe du cucul sur la pensée, on invoque habituellement l'argument d'efficacité: en pleine période de quant-à-soi, de volets clos, de repli sur la sphère privée, l'alliance de la charité et du rock'n'roll réunit instantanément des sommes fabuleuses, quant au pape, il déplace des foules immenses, au moment même où les meilleurs experts diagnostiquent la mort de Dieu.
À y regarder de près pourtant, un tel pragmatisme se révèle totalement illusoire. Les grands concerts pour l'Éthiopie, par exemple ont subventionné la déportation des populations qu'ils devaient aider à nourrir. C'est le gouvernement éthiopien, on s'en doute, qui est responsable de ce détournement de fonds. Il n'empêche : le gâchis aurait pu être évité si les organisateurs et les participants de cette grand-messe mondiale avaient consenti à
distraire leur attention de la scène pour réfléchir, ne fût-ce que sommairement, aux problèmes soulevés par l'interposition d'une dictature entre les enfants qui chantent et qui dansent, et les enfants affamés. Le succès que rencontre Jean-Paul II, d'autre part, tient à sa manière et non à la substance de ses propos : il déchafucrit le même enthousiasme s'il autorisait l'avortement ou s'il décidait que le célibat des prêtres perdait, à partir de maintenant, tout caractère d'obligation. Son spectacle, comme celui des autres superstars, vide les têtes pour mieux en mettre plein la vue, et ne véhicule aucun message, mais les engloutit tous dans une grandiose profusion de son et lumière. Croyant ne céder à la mode que sur la forme, il oublie, ou feint d'oublier, que cette mode-là vise précisément l'anéantissement de la signification. Avec la culture, la religion et la charité rock, ce n'est pas la jeunesse qui est touchée par les grands discours, c'est l'univers du discours lui-même qui est remplacé par celui des vibrations et de la danse.
Face au reste du monde, le peuple jeune ne défendait pas seulement des goûts et des valeurs spécifiques. Il mobilisait également, nous dit son grand thuriféraire, d'autres aires cervicales que celles de l'expression langagière.
Conflit de générations, mais aussi conflit d'hémisphères différenciés du cerveau
(la reconnaissance non verbale contre la verbalisation), hémisphères longtemps
aveugles, en l'occurrence l'un à l'autre »: La bataille a été rude, mais ce qu'on appelle aujourd'hui communication l'atteste : l'hémisphère non verbal a fini par l'emporter, le clip a eu raison de la conversation, la société est enfin devenue adolescente». Et, défaut de savoir soulager les victimes de la famine, elle a trouvé, lors des concerts pour l'Éthiopie, son hymne international: "We are the world, we are the children*. Nous sommes le monde, nous sommes les enfants.​


Sagot :