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Bonjour un commentaire de texte sur ce texte svp?
Honoré de BALZAC, Le Père Goriot, 1835
La célèbre ouverture du roman d'où est tiré ce passage est un modèle du réalisme balzacien. Le narrateur sait
entrer au cœur des êtres et des lieux, et son regard sur ces lieux permet de saisir aussitôt l'intimité de ceux
qui y habitent. Cette description n'est donc pas seulement un préambule du roman. Elle prépare le drame qui
va se jouer : à travers le décor, nous pressentons la présence des personnages.
Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait
appeler l'odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance; elle donne froid,
elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements; elle a le goût d'une salle où l'on a
diné; elle pue le service, l'office, l'hospice. Peut-être pourrait-elle se décrire si l'on
inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu'y
jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou
vieux. Eh bien ! malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui
lui est contigue, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l'être un
boudoir. Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte
aujourd'hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à
y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des
carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en
porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une
boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de
chaque pensionnaire. Il s'y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout,
mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables. Vous y verriez
un baromètre à capucin qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent
l'appétit, toutes encadrées en bois verni à filets dorés; un cartel en écaille incrustée de
cuivre; un poêle vert, des quinquets d'Argand où la poussière se combine avec l'huile,
une longue table couverte en toile cirée assez grasse pour qu'un facétieux externe y
écrive son nom en se servant de son doigt comme de style, des chaises estropiées, de
petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se perdre jamais, puis
des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se
carbonise. Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant,
rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui
retarderait trop l'intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas.
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