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Bonjour, pouvez vous me contracter le texte suivant en 127 mot (il y en a 510 là)

Alberto Manguel, Une histoire de la lecture, 1998
1

Ainsi que l'ont bien compris les dictateurs au cours des siècles, on domine plus
facilement une population analphabète; puisqu'on ne peut désapprendre l'art de lire une
fois qu'il est acquis, reste à en limiter la portée. C'est pourquoi, plus que tout autre création
humaine, le livre est le fléau' des dictatures. Le pouvoir absolu demande que toute lecture
soit une lecture officielle; au lieu de bibliothèques d'opinions, la parole du souverain doit
suffire. Les livres écrit Voltaire dans un pamphlet satirique intitulé De l'horrible danger de la
lecture, << dissipent l'ignorance, gardienne et protectrice des Etats bien policés² >>. La censure
est par conséquent, sous une forme ou une autre, le corollaire³ de tout pouvoir, et l'histoire
de la lecture est éclairée par une suite apparemment sans fin d'autodafés, des premiers
rouleaux de papyrus aux livres de notre temps. Les œuvres de Protagoras furent brûlées vers
411 à Athènes. En l'an 213, l'empereur de Chine Shih Huang-ti essaya d'en finir avec la
lecture en brûlant tous les livres de son royaume. Vers 168, la bibliothèque juive de
Jérusalem fut détruite de propos délibéré pendant le soulèvement des Maccabées³. Au
premier siècle de notre ère, Auguste exila les poètes Cornelius Gallus et Ovide et interdit
leurs œuvres. L'empereur Caligula ordonna de brûler tous les ouvrages d'Homère, de Virgile
et de Tite-Live (mais son édit ne fut pas exécuté). En 303, Dioclétien condamna au bûcher
tous les livres chrétiens. Et ce n'est qu'un début. Le jeune Goethe, témoin à Francfort de
la destruction d'un livre par le feu, eut l'impression d'avoir assisté à une exécution. << Voir
punir un objet inanimé, écrivit-il, est en soi une chose vraiment terrible. » L'illusion caressée
par ceux qui brûlent des livres est que, ce faisant, ils peuvent annuler l'histoire et abolir le passé. Le 10 mai 1933, à Berlin, sous l'œil des caméras, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels parla, tandis que l'on brûlait plus de vingt mille livres, devant une foule
enthousiaste de plus de cent mille personnes : « Ce soir, vous faites bien de jeter au feu ces
obscénités du passé. C'est une action forte, immense et symbolique, qui dira au monde
entier que le vieil esprit est mort. De ces cendres s'élèvera le phénix de l'esprit nouveau.
Un gamin de douze ans, Hans Paucker, qui plus tard, à Londres, allait diriger l'institut Leo
Baeck d'études juives, assistait à cet événement et devait rapporter que, pendant qu'on
lançait des livres dans les flammes, on prononçait des discours afin de renforcer la solennité
de l'occasion. « Contre l'exagération des pulsions inconscientes fondées sur une analyse
destructrice du psychisme, pour la noblesse de l'âme humaine, je confie au bûcher l'œuvre
de Sigmund Freud"», déclamait l'un des censeurs avant de brûler les livres de Freud,
Steinbeck, Marx, Zola, Hemingway, Einstein, Proust, H.G. Wells, Heinrich Mann, Jack London, Bertolt Brecht et des centaines d'autres reçurent de telles épitaphes.

Fin

1 Personne ou chose considérée comme l'instrument de la colère divine affligeant l'être humain ou l'humanité. / Grand malheur d'origine naturelle ou humaine qui frappe et ravage une collectivité.
2 Expression ironique qui désigne par antiphrase les régimes autoritaires.
3 Vérité qui découle d’une autre. Conséquence nécessaire, suite logique.
4 Bûchers.
5 Famille juive qui s’éleva contre les rois grecs au pouvoir à cette époque. 6 Historien latin.
7 Empereur romain.
8 Poète, romancier et dramaturge allemand.

9 Caractère de ce qui offense le bon goût par son inconvenance, son manque de pudeur; caractère de ce qui est choquant. Synonymes : grossièreté, indécence.
10 Oiseau mythologique qui renaît de ses cendres.
11 Fondateur de la psychanalyse, auteur de la théorie de l'inconscient.
12 Inscription mise sur un tombeau pour rappeler le souvenir d'une personne morte (soit par la simple mention de son nom, de ses dates, soit par un texte évoquant souvent de façon élogieuse sa personnalité ou les principales étapes de vie)