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bon je suis en 2nd et j'ai besoin d'aide en français: Quelle sont les arguments présent dans le texte?

Paris, ce 26 avril 1671.

Il est dimanche 26 avril ; cette lettre ne partira que mercredi, mais ce n'est pas une lettre, c'est une relation que vient de me faire Moreuil, à votre intention, de ce qui s'est passé à Chantilly touchant Vatel. Je vous écrivis vendredi qu'il s'était poignardé ; voici l'affaire en détail.

Le Roi arriva jeudi au soir. La chasse, les lanternes, le clair de la lune, la promenade, la collation dans un lieu tapissé de jonquilles, tout cela fut à souhait. On soupa. Il y eut quelques tables où le rôti manqua, à cause de plusieurs dîners où l'on ne s'était point attendu. Cela saisit Vatel. Il dit plusieurs fois : " Je suis perdu d'honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas. " Il dit à Gourville : " La tête me tourne, il y a douze nuits que je n'ai dormi. Aidez-moi à donner des ordres. " Gourville le soulagea en ce qu'il put. Ce rôti qui avait manqué, non pas à la table du roi, mais aux vingt-cinquièmes, lui revenait toujours à la tête. Gourville le dit à Monsieur le Prince. Monsieur le Prince alla jusque dans sa chambre et lui dit : " Vatel, tout va bien ; rien n'était si beau que le souper du Roi. " Il lui dit : " Monseigneur! votre bonté m'achève ; je sais que le rôti a manqué à deux tables. Point du tout, dit Monsieur le Prince ; ne vous fâchez point : tout va bien. " La nuit vient. Le feu d'artifice ne réussit pas ; il fut couvert d'un nuage. Il coûtait seize mille francs. A quatre heures du matin, Vatel s'en va partout ; il trouve tout endormi. Il rencontre un petit pourvoyeur qui lui apportait seulement deux charges de marée ; il lui demanda : " Est-ce là tout ? " Il lui dit : " Oui, monsieur. " Il ne savait pas que Vatel avait envoyé à tous les ports de mer. Il attend quelque temps ; les autres pourvoyeurs ne viennent point. Sa tête s'échauffait ; il croit qu'il n'aura point d'autre marée. Il trouve Gourville et lui dit : " Monsieur, je ne survivrai pas à cet affront-ci ; j'ai de l'honneur et de la réputation à perdre. " Gourville se moqua de lui. Vatel monte à sa chambre, met son épée contre la porte, et se la passe au travers du coeur, mais ce ne fut qu'au troisième coup, car il s'en donna deux qui n'étaient pas mortels ; il tombe mort. La marée cependant arrive de tous côtés. On cherche Vatel pour la distribuer. On va à sa chambre. On heurte, on enfonce la porte, on le trouve noyé dans son sang. On court à Monsieur le Prince, qui fut au désespoir. Monsieur le Duc pleura ; c'était sur Vatel que roulait tout son voyage de Bourgogne. Monsieur le Prince le dit au roi fort tristement. On dit que c'était à force d'avoir de l'honneur en sa manière. On le loua fort. On loua et blâma son courage. Le roi dit qu'il y avait cinq ans qu'il retardait de venir à Chantilly parce qu'il comprenait l'excès de cet embarras. Il dit à Monsieur le Prince qu'il ne devait avoir que deux tables et ne se point charger de tout le reste ; il jura qu'il ne souffrirait plus que Monsieur le Prince en usât ainsi.
Mais c'était trop tard pour le pauvre Vatel. Cependant Gourville tâche de réparer la perte de Vatel ; elle le fut On dîna très bien, on fit collation, on soupa, on se promena, on joua, on fut à la chasse. Tout était parfumé de jonquilles, tout était enchanté. Hier, qui était samedi, on fit encore de même. Et le soir, le roi alla à Liancourt, où il avait commandé un médianoche ; il y doit demeurer aujourd'hui.
Voilà ce que Moreuil m'a dit, pour vous mander. Je jette mon bonnet par-dessus les moulins, et je ne sais rien du reste.


Sagot :

Ollie
Bonjour, il n'y a pas d'arguments à proprement parler dans ce texte, puisque c'est une narration, mais il y a bien une forte critique sous-jacente : elle oppose la dignité de Vatel et son grand sens du devoir (Ex : "Cela saisit Vatel. Il dit plusieurs fois : " Je suis perdu d'honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas." Il dit à Gourville : " La tête me tourne, il y a douze nuits que je n'ai dormi. Aidez-moi à donner des ordres.") à la vanité et à l'indifférence de la cour royale.

Vatel, surmené, exténué, stressé par des échecs qu'il considère comme personnels ("La nuit vient. Le feu d'artifice ne réussit pas ; il fut couvert d'un nuage. Il coûtait seize mille francs."), préfère se suicider plutôt que de perdre la face : "Monsieur, je ne survivrai pas à cet affront-ci ; j'ai de l'honneur et de la réputation à perdre."

Réactions:
- "Gourville se moqua de lui." ;
- la disparition de Vatel n'est constatée qu'au moment où on a besoin de lui ("La marée cependant arrive de tous côtés. On cherche Vatel pour la distribuer. On va à sa chambre. On heurte, on enfonce la porte, on le trouve noyé dans son sang.").
- Monsieur le Duc pleura, mais uniquement parce que son voyage est compromis : "Monsieur le Duc pleura ; c'était sur Vatel que roulait tout son voyage de Bourgogne."
- on critique Vatel d'avoir été aussi intransigeant envers lui-même : "On dit que c'était à force d'avoir de l'honneur en sa manière. On le loua fort. On loua et blâma son courage."
- officiellement, le roi "s'excuse" à mi-mots ("Le roi dit qu'il y avait cinq ans qu'il retardait de venir à Chantilly parce qu'il comprenait l'excès de cet embarras. Il dit à Monsieur le Prince qu'il ne devait avoir que deux tables et ne se point charger de tout le reste ; il jura qu'il ne souffrirait plus que Monsieur le Prince en usât ainsi."), mais... continue à se divertir comme d'habitude ("On dîna très bien, on fit collation, on soupa, on se promena, on joua, on fut à la chasse. Tout était parfumé de jonquilles, tout était enchanté. Hier, qui était samedi, on fit encore de même. Et le soir, le roi alla à Liancourt, où il avait commandé un médianoche ; il y doit demeurer aujourd'hui.")

Madame de Sévigné critique donc implicitement l'égoïsme, la vanité et l'indifférence de la cour, que même le suicide d'un intendant très zélé n'arrête pas : pire, on le critique avant de passer à autre chose. Le roi ne rend aucun hommage à Vatel, ni à sa famille, il ne bouleverse aucunement son programme de festivités. Il est donc imbu de lui-même et inhumain, même si bien sûr Madame de Sévigné ne l'avouera jamais explicitement : elle prend bien soin de préciser que le récit est celui d'un certain Moreuil, et non le sien, et elle le rappelle encore à la fin de la lettre, histoire de s'éviter tout problème ultérieur avec la cour...