Bonjour,
Pour Platon, si les hommes sont mauvais ce n'est pas volontairement, mais par ignorance du bien. Dans le Gorgias, en 468 b-c, Platon écrit : "Socrate: (…) nous sommes d'accord pour dire que, si on fait quelque chose pour en avoir une autre, la chose que nous voulons, ce n'est pas l'action que nous devons accomplir, mais le bien pour lequel nous la faisons. (…) Personne ne veut donc massacrer, bannir, confisquer des richesses, pour le simple plaisir d'agir ainsi; au contraire, si de tels actes sont bénéfiques, nous voulons les accomplir, s'ils sont nuisibles, nous ne les voulons pas. Car nous voulons, comme tu dis les bonnes choses, mais nous ne voulons pas ce qui est neutre et encore moins ce qui est mauvais, n'est ce pas ?"Ainsi, Socrate conclut en 509 -e :"(…) toutes les injustices qu'on commet on les commet malgré soi". La volonté suppose la liberté, qui est celle d'une raison délibérant sans entraves affectives et dans la connaissance du bien. La pierre de touche de la théorie que Platon prête à Socrate, c'est l'assignation d'une fonction précise à la volonté, la recherche du bonheur, c'est à dire de ce qui est bien pour nous.
Comment est il possible à la fois de n'avoir pas voulu le mal tout en en étant responsable? Annah Arendt propose une alternative intéressante à cette opposition tenace et tente de dépasser l'alternative du mal commis involontairement mais dicté par les passions animales ou l'ignorance et du mal volontairement dicté par un esprit diabolique par la théorisation d'un mal banal et proprement humain dicté par la hiérarchie sociale et commis de façon neutre. Elle s'est beaucoup interessée au cas Heichman dont l'observation lui fit conclure qu'il n'étais un être irraisonné ni un monstre. Haut dignitaire nazi aux commandes du pays et de l'extermination juive, il était en fai quelqu'un de simple qui se posait peu de question mais réalisait son travail d'organisation logistique du mieux qu'il pouvait. Il ne s'agissai pas d'un homme extraordinaire. Dès lors, dans quelle mesure à t-il voulu ou non le mal? Comme le remarque la philosophe, il n'à pas fait preuve de passions démesurées qui auraient freiné son libre arbitre ni d'une volonté farouche et dabolique dans l'extermination des juifs, et cependant il en est pleinement responsable, il ne peut que l'avoir voulu. L'explication apportée à cette aporie est la suivante: Heichman n'à pas mal agit parcequ'il avait une volonté délibérément mauvaise, mais parcequ'il était inscrit dans une chaine de maillons socio-politique qui chacun remplissaient leur fonction séparément et banalement sans se poser de questions, sans penser. Nous aurions probablement agit comme lui si nous avions été à sa place, car rares sont ceux qui, dans une société extrêmement hiérarchisée qui organise et divise les tâches entre des hommes qui ne se concertent pas, restent capables de prendre de la distance par rapport à ce qu'ils appliquent et de se soulever contre l'ordre établit afin de réaliser le bien, prouvant ainsi qu'ils ne veulent pas le mal.
Vouloir le mal serait donc le lot de la majorité des hommes, dont on peut dire que s'ils ne sont pas capables de se détacher du groupe et des logiques bureaucratiques pour adopter une posture critique sont à même de commettre le commettre. En toutes circonstances l'homme reste responsable de ses actes et engage sa volonté. En même temps celle ci n'est jamais foncièrement mauvaise ou diabolique. Le "on" du sujet peut désigner un "on" collectif qui implique chaque individu dans la responsabilité d'atrocités comme les génocides, chacun effectuant à son niveau avec une terrible neutralité la tâche qui lui est intimée par la hiérarchie : responsable sans pourtant vouloir purement et simplement le mal qu'il commet.