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Voici un extrait de Dracula (1897), un récit fantastique très célèbre publié à la même époque que Le Horla. Le narrateur est Jonathan Harker. Il se rend chez le comte Dracula pour discuter affaires, en Transylvanie, une région de Roumanie. Harker découvre que des évènements mystérieux se déroulent dans le château du comte.


8 mai En commençant ce journal, je craignais d’être diffus ; mais à présent je suis heureux de m’être, dès le début, arrêté sur chaque détail, car ce château, ainsi que tout ce qu’on y voit et tout ce qui s’y passe, est si étrange que je ne puis m’empêcher de m’y sentir mal à l’aise. Je voudrais en sortir – en sortir sain et sauf ! – ou n’y être jamais venu ! Il se peut que veiller ainsi chaque nuit mette mes nerfs à dure épreuve ; et encore, s’il n’y avait que cela ! Peut-être supporterais-je cette existence si au moins je pouvais parler à quelqu’un, mais, voilà, il n’y a absolument personne, à part le comte. Or, s’il faut dire le fond de ma pensée, j’ai bien peur d’être ici la seule âme qui vive… Oui, si l’on me permet d’exposer les faits tels qu’ils sont, cela m’aidera peut-être à les subir avec un peu plus de patience, à mettre un frein à mon imagination. Sinon, je suis perdu. Les faits tels qu’ils sont, ou du moins, tels qu’ils me semblent être… Quand je me fus mis au lit, je dormis quelques heures à peine et, sentant que je ne pourrais pas me rendormir, je me levai. J’avais accroché la petite glace de mon nécessaire à l’espagnolette1 de ma fenêtre et je commençais à me raser quand, soudain, je sentis une main se poser sur mon épaule et reconnus la voix du comte qui me disait : –Bonjour ! Je sursautai, fort étonné de ne pas l’avoir vu venir, puisque, dans le miroir, je voyais refléter toute l’étendue de la chambre qui se trouvait derrière moi. Dans mon mouvement de surprise, je m’étais légèrement coupé, ce que je ne remarquai pas au moment même. Lorsque j’eus répondu au comte, je regardai à nouveau dans le miroir, essayant de comprendre comment j’avais pu me tromper. Cette fois, il n’y avait pas d’erreur possible, je savais que l’homme était tout près de moi ; il me suffisait de tourner légèrement la tête pour le voir contre mon épaule. Et pourtant son image n’était pas reproduite dans la glace ! Toute la pièce derrière moi était reflétée dans le miroir ; mais il ne s’y trouvait qu’un seul homme – celui qui écrit ces lignes. Ce fait stupéfiant, venant s’ajouter à tant d’autres mystères, ne fit qu’accentuer la sensation de malaise que j’éprouve toujours lorsque le comte est là. Mais, au même moment, je m’aperçus que je saignais un peu au menton. Posant mon rasoir, je tournai la tête à demi pour chercher des yeux un morceau de coton. Quand le comte vit mon visage, ses yeux étincelèrent d’une sorte de fureur diabolique et, tout à coup, il me saisit la gorge.
Dracula (1897), Bram Stoker
Note :

1. espagnolette : tige métallique à poignée servant à fermer ou à ouvrir les châssis d’une fenêtre.

1- a) Ce récit est-il : un roman, un poème ou un journal intime ?
b) Justifie ta réponse par deux éléments tirés du texte.
2- Quelle raison le narrateur donne-t-il pour justifier la rédaction de son récit ?
Tu justifieras ta réponse par une citation.
3- a) Où le narrateur se trouve-t-il quand il écrit ce récit ?
b) Recopie entre guillemets l’adjectif qui qualifie ce lieu.
4- Repère, dans les lignes 1 à 5, une expression qui montre le trouble du narrateur et recopie-la entre guillemets.