D'abord, elle avait eu besoin, pour boire, d'entraînement, de la compagnie des autres, du chocs des verres, de conversations amusantes, de la chaleur des défis, tout cela était très joyeux. Puis, de façon incontrôlable, comme une envie, elle en était arrivée à boire seule.
C'est alors qu'elle avait bu dans ce verre maudit à moitié plein remonté sous son tablier, qu'elle cachait, honteuse, dans un recoin de la cuisine; qu'elle avait bu solitairement et désespérement ces mélanges infectes de vin blanc et d'eau de vie qu'elle avalait coup sur coup jusqu'à ce qu'elle eût trouvé ce dont elle avait en réalité vraiment soif: le sommeil.
Car ce qu'elle voulait, ce n'était pas ces satanés maux de têtes qui faisaient vibrer le cerveau, ou le trouble heureux voire niais, ou la folie vivante, ou le rêve éveillé et délirant lorsqu'on est complètement bourrée;
ce qu'il lui fallait, en vérité, ce qu'elle demandait, un sommeil de plomb, sans rêve, sans mémoire, un sommeil si lourd qu'il tombait sur elle comme une massue sur la tête d'un boeuf bien gras:
et elle le trouvait dans ses potions fabriquées maison qui la foudroyaient et on pouvait alors admirer, la princesse endormie, couchées, la face écrasée sur la toile cirée de la table de cuisine.