Les mots ont été des êtres
Dites-vous bien que les mots ont été des êtres pareils à vous.
Tous les matins le mot « cheval » s'est levé
et a bu son café-crème.
Dans la maison d'en face,
le mot « saison »
a pris une douche et songe aux lointaines vacances, tandis que le mot « chèvrefeuille »,
un étage plus bas,
a mis sa chemise propre
pour rencontrer
le mot « avoine » aux airs de saltimbanque.
Le mot « cigogne »
a travaillé avec acharnement
pour un morceau de pain,
pour un morceau d'azur.
Le mot « poussière »,
le mot «jardin »,
le mot « exil »
ont discuté du passé,
ou de l'espoir qui est toujours tenace.
Seul le mot « océan » a pu s'estimer heureux :
il a voyagé sans cesse
et a plongé dans la vie avec une élégance
de cétacé.
Le mot « amour » qui a toussé et qui a eu mal aux reins, est revenu chez soi vers les huit heures
et s'est alité sans prendre de repas.
Soyez bons pour les mots :
Ils n'ont pas eu droit à la retraite.
Alain Bosquetn
