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Sagot :
À quoi bon, encore, philosopher ?Philosopher encore, philosopher aujourd´hui encore, sans doute, pourquoi pas ? Mais, parmi tant d´autres activités possibles, pourquoi au juste philosopher ? Et d´abord pourquoi encore, pourquoi aujourd´hui ?Pourquoi encore, quand depuis vingt-quatre siècles les philosophies n´ont cessé de s´affronter, de se combattre, de se détruire les unes les autres, faisant souvent du terrain même de leurs assauts ce vaste champ de ruines que Kant décrivait au début de sa Critique de la raison pure, où des armées exsangues continuent d´errer à la recherche d´un dernier combat ?Pourquoi aujourd´hui, quand, depuis un siècle et demi, les sciences humaines ont capté à leur profit, en les transformant, certaines des interrogations traditionnelles de la philosophie ? À le faire, elles ont obtenu souvent des résultats plus assurés, sur l´organisation de la cité, sur la question du langage ou sur le fonctionnement de notre subjectivité, que ceux que la philosophie, faute d´avoir défini plus humblement ses questions, avait pu obtenir. Certes, la sociologie ne nous dira jamais quel est le meilleur des régimes politiques, mais elle nous apprend comment fonctionnent les sociétés. Pas davantage la linguistique ne parviendra à nous indiquer quelle est l´origine des langues, mais elle nous explique comment un langage est structuré. La psychologie ne tranchera pas non plus, pour sa part, la question de savoir si le sujet est la cause de ses représentations, mais elle nous indique comment les impressions sensorielles se combinent pour former nos perceptions des objets.Pourquoi aujourd´hui, derechef, quand, depuis cette fois quelques décennies, les extraordinaires avancées de la biologie font que, ne serait-ce par exemple que grâce aux découvertes accomplies dans la connaissance du cerveau, les biologistes traitent eux-mêmes des passions, de la conscience, de la morale ou de la politique ?Pourquoi aujourd´hui encore, enfin, quand nous vivons en un temps où, après Auschwitz, comme l´écrivait Adorno dans saDialectique négative, il n´est plus possible ni de croire à la vérité des idées éternelles que la spéculation métaphysique avait opposées à la précarité du monde sensible, ni d´avoir encore l´audace de soutenir que ce que le temps paraît anéantir exprime malgré tout un sens par-delà cette négativité absolue ? Comment, après les catastrophes politiques du xxe siècle, ne pas tenir pour un affront supplémentaire infligé aux millions de victimes exterminées par les totalitarismes, la construction d´un sens « qui rayonne d´une transcendance posée affirmativement » par-delà cette « négativité absolue » ? Comment ne pas tourner en dérision, après « le massacre de millions de personnes par l´administration », l´obstination du philosophe, portée à son comble par Hegel, à considérer que le réel est rationnel et que le rationnel est réel ?À quoi bon, donc, philosopher encore, philosopher toujours si, déçue dans certaines de ses ambitions anciennes, dépossédée de certains de ses domaines autrefois incontestés, démentie dans sa prétention à se réconcilier avec l´expérience effective du monde, la philosophie ne parvient pas, qui plus est, à susciter entre les philosophes eux-mêmes, sur ses questions, sur ses démarches, sur son histoire et sur ce qui s´en dégage, suffisamment de consensus pour s´apparaître et dès lors pour se faire paraître dans son identité distinctive ?Mais dans ce cas, dira-t-on, à quoi bon, tout autant, écrire encore de la musique, composer un poème, peindre un tableau ? Chacun appréciera comme il le voudra une telle pirouette, mais enfin la musique, la poésie, la peinture ont au moins une part de leurs raisons d´être dans le plaisir qu´elles suscitent et, même après Auschwitz, dans la possibilité que la souffrance y trouve de s´exprimer. Est-on sûr que les questions que les canons traditionnels de la philosophie enjoignent au philosophe de faire siennes peuvent aider sans de profonds renouvellements les survivants des génocides ou les gardiens de leur mémoire à exprimer l´inhumain ? Quant au plaisir, quant au bonheur de philosopher… Assurément existe-t-il aussi, même après les génocides, un plaisir, voire un bonheur, qui se peuvent trouver dans la lecture des philosophes. Mais nous savons bien qu´aucun philosophe ni aucun lecteur convaincu de la nécessité de la philosophie ne justifieront suffisamment cette nécessité par le plaisir que l´on prend en compagnie d´Aristote, de Spinoza ou de Hegel. Ou que si cette justification devait venir au premier plan, ce serait que l´acte de philosopher s´est transformé au point de ne plus engager aucunement la recherche de la vérité, ni celle de la sagesse, ni celle du sens, bref plus rien de tout ce par quoi il avait été guidé pendant plus de deux millénaires.extérieur, de la certitude ou de la fragilité de notre savoir, du fondement de la morale ou des conditions de la cité juste ?
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