Nous sommes les femmes, les tristes femmes du peuple, pour qui tout est deuil et misère. A huit nous servons de mère à la tiaulée² de frères et de sœurs qui emplit le logis. Quand nous savons lire, c'est fini de jouer! A douze ans, nous devons nous suffire et rapporter notre part à la maison. Si un rêve de régularité nous hante, à quinze ans l'on nous marie; et nous commençons la triste vie de maternités incessantes, de labeurs continus, d'inquiétudes permanentes, qui est le lot de celles de notre race. Et nous connaissons les chômages, les grèves, les catastrophes affreuses après lesquelles l'homme est rapporté sur un brancard; broyé, massacré, si défiguré par la mort qu'il n'est plus reconnaissable - même pour nous! » Sinon, à treize ans, quelque contremaître nous viole en un coin de fabrique; à quatorze ans, nous avons un enfant; à seize ans, de gré ou de force, la police nous empoigne et nous inscrit - chair à plaisir, chair à travail, vouée à tous les mépris, toutes les ordures, toutes les infirmités! >> Besogne de jour, besogne de nuit, ouvrière courbée douze heures sur l'établi pour gagner quarante sous, ou rôdeuse lamentable offrant son ventre vide et sa bouche affamée, même destin à l'horizon : l'hôpital, l'amphithéâtre, la fosse commune! >> - « Nous sommes les pauvres femmes, fanées à vingt ans, vieilles à vingt-cinq, à qui le sort prend tout, même la fleur de leur jeunesse, même le rayon de leur beauté ces luxes-là n'étant point faits pour nous! Ce sont les roses de nos joues que fixe notre aiguille sur les robes des belles dames; leurs fards sont faits de notre éclat; leurs diamants sont faits de nos larmes et ils sont moins rouges, les pavots que tressent nos doigts, pour leurs couronnes, que nos paupières lasses et nos cœurs déchirés ! » - Séverine, « De profundis clamavi ad te...», Pages rouges, 1893
Que veux dire laiteur dans se texte?​