Une plage pour moi tout seul, comme dans mes rêves. Du sable ocre, jaune, orange, du sable lourd, humide et tiède. L'écume de la mer qui va et qui vient. Ce matin, je me suis levé à l'aube quand j'ai vu le soleil, après trois jours de pluie à lire dans la véranda de l'auberge, ou à marcher un peu avec le parapluie, pour prendre l'air malgré tout.
Derrière moi, les maisons du front de mer, aux volets clos, dorment encore. Ils dorment tous alors que le soleil est revenu et qu'ils ne le savent pas encore. Je marche le long des vagues, je ferme les yeux, je laisse mes pieds nus s'enfoncer dans le sable. Seul. Ils dorment tous, ils ne voient pas le soleil.
Ah non, pas seul. Les marchands du temple sont arrivés, avec leurs glaces, leurs chapeaux de paille, leurs canards en plastique, leurs parasols sponsorisés, leurs marionnettes articulées. Ils sont venus gâcher mon rêve, mon rêve de marcher seul, les yeux fermés, sur la plage déserte.
Et voilà le carrousel qui s'en mêle, qui s'est mis à tourner à vide ou presque, avec la sono à fond, les hauts-parleurs qui grésillent et deux pauvres marmots qui s'agitent, l'un sur un cheval en plastique vert, l'autre dans un Spoutnik en ferraille, tous deux filmés par leurs parents énamourés.
Malgré tout, je continue à marcher en m'imaginant loin, très loin, dans le Sahara, loin des carrousels et des marchands de canards. Ou en montagne, au milieu des chalets abandonnés, avec les cloches des vaches en sourdine. Je rouvre enfin les yeux, tout grands. Si loin déjà ! Tout au bout de la plage, et il n'y a plus rien, plus de maisons, plus de carrousel, plus de marchands. C'est la marée basse. La mer se retire. La plage est déserte.
