Avant que je vous raconte mes aventures, promettez-moi de ne pas verser une seule larme. Hier, j’ai perdu mon meilleur ami et le meilleur soldat de ma section a perdu ses doigts de pied : il a été emmené à l’hôpital le plus proche. En effet, il fait très froid et les soldats sont kapouts. C’est un enfer et ce n’est pas comme le disent ces hommes stupides qui essayent de rassurer la population en disant des bobards. Ici, les tranchées sont délabrées et je vis dans une peur constante. Les cadavres, ce qu’il en reste, se mêlent à la boue gelée d’un champ de bataille lunaire et déserté. Le ravitaillement est difficile et nous n’avons comme nourriture qu’un misérable bout de pain sec que l’on se dépêche de manger avant que les rats se fassent un plaisir de le manger à notre place. L’eau est rare, nous espérons à tout moment une flaque où l’on pourrait boire même si sang et moisissures se mêlent. Cet endroit est vraiment un enfer : les boches nous mettent tous kapouts avec leurs armes chimiques et leurs obus sifflants.Les soldats qui partent à l’assaut savent qu’ils ne reviendront sûrement jamais : certains font des signes de croix, d’autres pensent à leur famille.Les soldats finissent fusillés ou décomposés par les obus et si, par miracle, ils ne sont pas tués, ils sont blessés ou bien amochés.Ceux qui ne sont pas partis à l’assaut attendent la mort entre les cadavres décomposés de leurs anciens amis ou tout simplement de celui qui était assis à côté de lui pendant le convois. Mais dans ces cas, je pense que la fin la plus enviable est de mourir fier de s’être battu pour sa patrie. Une question me tracasse, peut-être seras-tu me répondre : quand s’arrêtera cette boucherie ?!! J’espère revenir avec la victoire.
