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Sagot :
Écrit dans une forme très libre, mêlant de longues coulées de prose haletante à des séquences découpées en versets plus rythmés, ce long poème comprend près de soixante-dix pages dans son édition définitive. Le foisonnement lyrique et la facture parfois surréaliste des images ont pu déconcerter les exégètes. Il faut donc feuilleter en tous sens ce « cahier » pour faire apparaître les lignes de forces profondes. On découvre qu'il se construit sur une série de retours et de retournements. Ce qui s'accorde avec ce que l'on sait de sa genèse, puisque le poème est né de l'exil de l'étudiant Césaire à Paris et du choc reçu à l'occasion d'un retour en vacances dans l'île natale. Le narrateur-poète rêvait de revenir au pays natal en héros salvateur, dans la fierté d'une identité noire glorieusement redécouverte. Mais tous ces retours restent illusoires, jusqu'au moment où, enfin, il se reconnaît et s'accepte dans la nudité de son néant : un de « ceux qui n'ont jamais rien inventé », un Africain déporté, privé de sa langue et de ses traditions, coupé de ses racines, reclus dans une Martinique «désespérément obturée à tous ses bouts ».
Or cette plongée en soi-même autorise le renversement des images négatives scandant le poème depuis son ouverture : de l'horizontalité soumise (« Au bout du petit matin, cette ville plate étalée ») à la verticalité libératrice (« et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi »), de la parole empêchée d'une « foule criarde si étonnamment passée à côté de son cri » au surgissement viril d'un mot longtemps attendu et proprement inouï : « Ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale ». Le point de symétrie et d'appui du ‘'Cahier'', le foyer vers lequel convergent ses perspectives, c'est l'invention de ce mot, « négritude », dans l'opacité d'images rayonnantes. Il faut se laisser porter par l'enchaînement de métaphores solaires, dans l'évocation d'un accouchement cosmique, préparant l'image heureuse de l'arbre de la négritude (« le kailcédrat royal ») plongeant «dans la chair rouge du ciel » et « dans la chair ardente du ciel». Cela permet au poète de s'opposer à la culture blanche, à «l'Europe colonisatrice [...] comptable devant l'humanité du plus haut taux de cadavres de l'Histoire», de dégager des figures universelles de l'être opprimé et révolté : «Je pousserai d'une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées».
Ainsi , le retour au pays natal s'est accompli comme une descente orphique aux enfers de l'aliénation nègre. Mais le poète noir est un Orphée triomphant, qui ramène la négritude, son Eurydice, en toute lumière.
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